dimanche 4 septembre 2016

Zone cinglée de Kaoutar Harchi

Zone cinglée

Editions : Sarbacane (2009)
190 pages

RésuméDans la " zone cinglée " de la Cité, les Mères règnent en maîtres. Lasses de pleurer leurs fils consumés par les lumières de la Ville-Centre, elles se jettent à corps perdu dans une étrange Cause : créer une armée d'enfants pour empêcher le souvenir des morts de hanter les vivants. Taârouk, 26 ans, balaye les folies qui l'entourent - celle des Mères folles de la Cité -, celle de sa propre mère défunte, celle de son frère " mangeur d'haltères " dont le seul rêve est d'être un poster. Une nuit, il brave le tabou suprême en pénétrant dans la cave : un lieu libre, à la frontière de la Cité et de la Ville-Centre, où les deux mondes entre parfois en collision...




Chronique


Zone cinglée m’a été recommandé par plusieurs personnes de mon entourage. Ecrit par Kaoutar Harchi, une jeune écrivaine originaire de Strabourg ayant fait un doctorat de sociologie, ma curiosité a été piquée à vif. D’autant plus que le livre est court, et rapidement dévoré.

Kaoutar Harchi a créé un univers naviguant entre les limites du fantastique et de la réalité brutale. Le fantastique introduit dans l’histoire se rapproche d’une métaphore de cette réalité. Le fantastique révèle la réalité, permet de l’exprimer.
Ceux qui m’ont recommandé le livre m’ont dit que, même si l’auteure ne l’évoque jamais clairement, l’Elsau est tout à fait reconnaissable dans les descriptions. Je ne saurais le confirmer, mais je pense que Kaoutar Harchi a réussi à saisir quelque chose de la cité, et à l’imprégner dans son texte. Il ne s’agit pas forcément du sujet qui va me toucher le plus, à un niveau personnel, mais c’est incontestablement un sujet qui mérite d’être évoqué et qui n’est que trop peu présent dans la littérature. L’auteure répare ce tort avec brio, et avec grâce, surtout. Avec sensibilité et brutalité, tout à la fois.
Ce livre est un voyage dans un monde inconnu, qui touche à l’hallucination. Aux songes. À la poésie, incontestablement. C’est noir et c’est lumineux.

L’écriture de Kaoutar Harchi est unique. On me l’avait vantée. Je ne peux que confirmer : à 23 ans seulement, elle écrit comme personne. Elle possède son univers, ses mots, sa façon de les agencer. Un style inimitable, car il possède la brutalité, la sécheresse, le tranchant, mais aussi un rythme et des images absolument envoûtants. Et terriblement beaux. C’est de la poésie en prose.

C’est un livre à découvrir, pour l’écriture principalement et pour cet univers original. Aucun autre livre ne ressemble à celui-là, et c’est déjà quelque chose de très fort.


Meurtres pour rédemption de Karine Giebel

Meurtres pour rédemption

Editions : Pocket (2012)
988 pages

RésuméMarianne, vingt ans. Les barreaux comme seul horizon. Perpétuité pour cette meurtrière. 
Indomptable, incontrôlable, Marianne se dresse contre la haine, la brutalité et les humiliations quotidiennes. 
Aucun espoir de fuir cet enfer, ou seulement en rêve, grâce à la drogue, aux livres, au roulis des trains qui emporte l esprit au-delà des grilles. Grâce à l'amitié et à la passion qui portent la lumière au coeur des ténèbres. 
Pourtant, un jour, une porte s'ouvre. Une chance de liberté. 
Mais le prix à payer est terrifiant pour Marianne qui n'aspire qu'à la rédemption...




Chronique


Le purgatoire des innocents est incontestablement un de mes livres préférés. Un choc littéraire, un livre qui m’avait percuté si fort qu’il s’est encastré quelque part en moi, pour ne plus en sortir. J’avais lu quelques autres Karine Giebel sans ressentir le même émoi, bien qu’ils aient tous été bons. J’avais toutefois lu toutes ces critiques élogieuses, qui plaçaient Meurtres pour rédemption à la hauteur du Purgatoire. Mes attentes étaient donc démesurées, comme il se devait après une telle œuvre. Mes craintes également. Mon excitation. Un sentiment semblable aux débuts d’une relation amoureuse. La peur d’être déçue, la hâte d’être émerveillée.

Je n’aurais qu’une chose à dire : les critiques ne mentent pas. Loin de là. Meurtres pour rédemption n’est pas un choc, c’est un tremblement de terre. Un tremblement littéraire. Il ne m’a pas percutée, mais déchiquetée. Puis a passé mes restes à la broyeuse pour les éparpiller dans le vent.


Je ne veux rien révéler de l’intrigue, car elle gagne à être découverte par soi-même. Presque mille pages, et pas une à côté. Pas un mot de trop. Ou qui manque.
Les thèmes de Karine Giebel s’y retrouvent : la relation prisonnier/geôlier, l’enfermement, la folie. Jamais elle ne les aura mieux explorés.


Cette année, mon rythme de lecture a fortement diminué et il est rare que je termine un roman en moins de quelques jours. Meurtres pour rédemption est le livre le plus énorme que j’ai lu cette année. Énorme dans tous les sens du terme. C’est aussi celui que j’ai dévoré le plus rapidement.

Les personnages sont extraordinaires de nuance. Nuances de gris, les vrais. Les dures. C’est un roman de granit et d’acier, dur, lourd. Incisif et tranchant comme une arme. Mais il est aussi doux, parfois. Tendre, presque, à sa manière. Ce qui accentue l’horreur. Le plus fou, dans tout ça, c’est qu’il s’agit d’une histoire d’amour. Une histoire d’amour comme Karine Giebel aime les dessiner, les raturer, les déconstruire. Ces personnages, on les aime. On les déteste. Les deux en même temps, parfois. Mais on ne les oublie pas.

Je ne conseille pas ce roman, mais j’ordonne sa lecture. Si vous ne l’avez pas encore lu, il manque quelque chose à votre vie.