lundi 11 juillet 2016

Dernière fenêtre sur l'Aurore de David Coulon

Dernière fenêtre sur l'Aurore

Editions : Mnémos (Hélios) (2015)
248 pages

RésuméIl y a cet immense bunker isolé où quatre hommes retenus captifs sont systématiquement avilis et torturés.
Il y a la belle Aurore Boischel, dix-huit ans, jeune fille de bonne famille, qui gît sur son lit, morte. Assassinée.
Il y a ce détective privé embauché par un inconnu pour filer... un policier.
Et il y a Bernard Longbey, le flic revenu de tout, qui sait que la petite bourgade de Bois-Joli est devenue une toile de mort et de folie où l’araignée attend sa proie...

ExtraitDes photos qui font monter des larmes aux vieux tandis que la pluie martèle indéfiniment leurs vitres, leurs murs, aussi lézardés que les ridules qui dévorent leur visage.



Chronique


C'est un roman sombre (noir, c'est le cas de le dire !), et vraiment oppressant. J'ai tardé à en écrire une critique, car il m'a vraiment laissé une drôle d'impression, et même maintenant je ne pense pas pouvoir mettre des mots sur mon ressenti. Je vais tout de même tenter de décortiquer un peu tout cela en abordant les deux points qui me semblent réellement en son coeur : l'ambiance et les personnages.

Ce n'est pas un polar dans le sens consensuel du terme, car même si meurtre et enquête sont là, ils ne sont pas centraux. C'est réellement l'histoire d'un/des homme(s) qui… pètent un voire plusieurs plombs, mais le terme n'étant pas très poétique, disons plutôt : qui perdent pied avec la réalité. J'ai aimé suivre cette évolution, même si je dois dire que j'ai parfois été mal à l'aise. L'ambiance est vraiment oppressante, et cela tient aussi grandement au travail du personnage principal : flic pour la Brigade de Protection des Mineurs. J'ai eu soudain une révélation : je n'avais jamais lu de polar où le personnage principal travaillait là-dedans, à chaque fois, ça avait été la Crim. Et on peut dire que ça fait son effet. Je n'aurais qu'un mot pour le décrire : sordide. Ah si, peut-être aussi : horrifiant.

La première partie du roman est plutôt lente au niveau du rythme, il n'y a pas vraiment d'action, mais c'est ce qui permet d'instaurer cette ambiance si particulière : ça stagne, comme une eau marécageuse, trouble et nauséabonde. Pour rester en ces termes : le personnage principal semble comme embourbé, dans ses pensées, ses cauchemars, ses peurs.
Dans la deuxième partie, le rythme s'accélère d'un coup et il n'est plus question de lâcher le livre avant la fin. J'avais trouvé le coupable un peu avant la révélation (ça m'avait fait tilt, il manquait une seule petite pièce pour que le puzzle soit reconstitué). Mais ça ne m'a pas dérangée, parce qu'au final, le roman suit une ligne logique, qui fait un peu figure d'inéluctabilité, et les personnages sont tels qu'il ne pouvait en être autrement. L'identité de celui-ci renforce encore la cruauté ambiante, car finalement, personne n'est bon, ni gentil.

Ce qui est aussi assez étonnant dans ce roman, c'est que les femmes y sont toutes absentes (mortes ou parties), alors même qu'un personnage très central (Aurore) est finalement omniprésent. Même Virginie est souvent en arrière-plan. Des personnages absents donc, tout en étant très présents. Les hommes, eux, semblent tous habités par une certaine violence contenue (ou non, d'ailleurs). Je les ai trouvés assez fouillés, surtout pour un roman finalement assez court.
Bref, pour conclure, je dirais que c'est un roman qui ne laisse clairement pas indifférent et qui hante, tout autant que son personnage principal est hanté.


mardi 5 juillet 2016

Pestilence de Degüellus

Pestilence

Editions : TRASH (2013)
150 pages

Résumé : L'ignoble Moyen-Âge... Un village dans les marais, une épidémie... Hommes, femmes et enfants couverts de bubons, qui meurent dans d'atroces souffrances, lorsqu'ils ne sont pas brûlés vifs. Et ce médecin de la pestilence aux prises avec un complot répugnant...

ExtraitLes corps étaient dans le grand lit. Barbet, pourtant habitué aux cadavres, s'accrocha au chambranle, écoeuré. Le père de famille, visage tourné vers le médecin, semblait le dévisager. L'oeil gauche disparaissait sous une énorme cloque putride dont s'échappait une énorme coulée brunâtre. Le nez était tombé, laissant un orifice à vif, au pourtour rosacé recouvert d'un mucus glauque contournant les lèvres constellées de bubons, figées en un rictus de douleur.


Chronique


Le Moyen Âge est une époque qui se prête extrêmement bien aux excès les plus purulents et atrocités les plus extrêmes, Pestilence le confirme.

Quand je pense à cette époque, j’imagine des rues sales, nauséabondes, où les déjections sont jetées par les fenêtres, où la maladie se répand dans un air épais, putride, où les chicots sont noirs, quand ils sont présents. Un Moyen Âge peu représenté dans la littérature, et qui exhale toute sa puanteur méphitique dans ce roman. Pestilence a été comparé à plusieurs reprises à du Brussolo, et c’est vrai qu’il m’a un peu rappelé « Le château des poisons », pour cette ambiance en huit-clos, même si Degüellus va plus loin dans l’horreur.

Le début est vraiment excellent, avec l’arrivée dans ce village perdu au milieu des marécages, atteint par la peste, qui combat la maladie par des extrémités liées aux peurs et croyances de l’époque. Les descriptions de la maladie sont très efficaces, et j’ai particulièrement apprécié le vocabulaire utilisé, qui permet une bonne immersion dans l’histoire.
L’intrigue tient en haleine jusqu’au bout, et le personnage de Tancrède est intéressant, obnubilé par sa quête morbide, humain dans tous les sens du terme. Moderne dans sa façon de penser, il est exclu par ses collègues pour cette raison. Il étudie la maladie, aide les malades sans que cela ne soit réellement son but premier, mais fait tout de même preuve d’humanité, et affronte l’église pour cela. Les autres personnages présentent un peu moins de nuances. J’aurais aimé voir l’inquisiteur un peu plus longtemps.

Certains passages sont presque cartoonesques, dans un excès qui en devient quasi amusant. J’ai une préférence pour l’approche plus « réaliste », noire de TRASH. Une approche plus premier degré, qui ne permet aucun recul, aucune distance. Là, l’aspect un peu burlesque rend l’horreur plus supportable. L’avantage est de pouvoir se concentrer plus facilement sur l’intrigue, sans se laisser submerger par les atrocités, et de pouvoir dévorer le livre sans interruption.

Donc un bon bouquin, à ne pas manquer pour les aficionados du gore.