mercredi 25 mai 2016

Smog of Germania de Marianne Stern

Smog of Germania

Edition : Chat noir (2015)
343 pages

RésuméGermania, début des années 1900, capitale du Reich.

À sa tête, le Kaiser Wilhem, qui se préoccupe davantage de transformer sa cité en quelque chose de grandiose plutôt que de se pencher sur la guerre grondant le long de la frontière française - et pour cause : on dit qu'il n'a plus tous ses esprits. Un smog noir a envahi les rues suite à une industrialisation massive, au sein duquel les assassins sont à l'oeuvre.

Une poursuite infernale s'engage dans les rues et les cieux de Germania le jour où la fille du Kaiser échappe de peu à une tentative de meurtre. Objectif : retrouver les commanditaires. La chose serait bien plus aisée s'il ne s'agissait pas en réalité d'un gigantesque complot, qui se développe dans l'ombre depuis trop longtemps.



Chronique


Un vrai coup de cœur ! Je connais assez peu l’univers steampunk, bien qu’il m’ait toujours intriguée. Du genre, je n’avais lu jusqu’à présent que Le protectorat de l’ombrelle de Gail Carriger, A victorian Fantasy de Georgia Caldera et New Victoria de Lia Habel. Si j’ai apprécié ces livres, aucun ne m’a transportée comme Smog of Germania l’a fait. Son secret ? Un univers plus sombre et très crédible.


J’ai écrit un roman, il y a quelques années. Je l’avais imaginé d’une certaine manière et, bien entendu, le résultat n’y correspondait pas parfaitement. En lisant Smog of Germania, j’ai eu l’impression d’enfin trouver ce que j’avais cherché à écrire. Pas que l’intrigue soit la même, loin de là, mais dans l’ambiance et dans les personnages, mon idéal d’écrivain se trouvait entre mes mains. J’aurais pu en être jalouse, mais je suis principalement heureuse d’avoir vécu un moment de lecture intense, de m’être plongée dans un roman jouant sur mes exactes cordes sensibles. Et peut-être un peu jalouse tout de même.

Après ce (très) long préambule, je vais enfin aborder le sujet même de ce billet : Smog of Germania. Quelles sont les multiples raisons qui doivent vous amener absolument à le lire ?
La première (et pas des moindres) est bien évidemment l’ambiance. Ce smog opaque qui a envahi la ville pèse sur Germania dans une atmosphère oppressante. Il dissimule sous sa couverture charbonneuse les meurtriers et les vices, prête son voile aux complots et aux trahisons. Et dans sa traversée inquiétante, Viktoria, fille du Kaiser, va rencontrer les bas-fonds de la ville, la lie et la fange qu’elle ne pouvait même imaginer. Et ce malgré ses escapades nocturnes lui octroyant un sentiment de liberté illusoire et des frissons en toute sécurité.
Les personnages sont gris comme je les aime. Avec des nuances tirant vers le noir (avec l’avantage de s’accorder au smog omniprésent). Viktoria peut se montrer capricieuse et agaçante, mais on repère vite qu’il ne s’agit que d’un stratagème pour se protéger. Fragilité et courage se côtoient allègrement. Plus intéressants encore sont Maxwell et Jeremiah, parfois froids et calculateurs, et d’autres enflammés et exaltés. Maxwell surtout apparaît presque bipolaire tant son comportement peut varier brutalement. Leur relation est très bien développée et donne corps au récit.


Le monde est très bien construit, que ce soit au niveau de la politique, de l’essors des machines, de certaines particularités qui lui sont propres… et le style très visuel de Marianne Stern sert à merveille les descriptions, permettant de s’imaginer, de se plonger même, dans cet univers. La fin conclue parfaitement l’intrigue, grise à l’image du livre. Mais je préfère ne rien dévoiler. J’ai donc adoré du début à la fin.

Pour tous ceux qui aiment le steampunk ou qui voudraient découvrir ce genre, Smog of Germania est un livre à ne pas manquer. Et cerise sur le gâteau, sa couverture est magnifique.


jeudi 19 mai 2016

Néachronical, tome 1 : memento mori de Jean Vigne

Néachronical : memento mori

Edition : Chat Noir (2014)
301 pages

RésuméAprès avoir fait le mur pour aller à un rendez-vous nocturne, Néa, 15 ans, se réveille à demi-embourbée dans les marais locaux. Sur le chemin du retour, l’esprit embrumé, elle tente de rassembler des souvenirs qui lui échappent. D’autant plus qu’une fois chez elle, ses parents, sous le choc, lui apprennent que son absence a en fait duré plus de cinq ans.
C’est désormais une jeune femme qui doit reprendre sa vie là où elle s’était arrêtée, c’est à dire au lycée. Seulement, le fossé avec ses camarades se creusent de jour en jour, pas seulement à cause de l’âge, mais également parce qu’une série d’événements inexplicables la rend différente du lycéen lambda. Et du genre humain…
Maintenant, Néa n’a plus qu’une idée en tête : retrouver la mémoire afin de comprendre ce qu’il lui arrive.


Chronique


Pour découvrir les éditions du Chat Noir, j’ai commandé leur box, dans laquelle se trouvait, en plus de sympathiques goodies, Néachronical et Smog of Germania. Deux livres qui, par leur sublime couverture, me tentaient depuis un moment. Je peux maintenant dire, après les avoir dévorés tous deux, que je n’ai aucun regret et que mes attentes ont été plus que comblées.

Néachronical, tout d’abord. La couverture promettait un univers sombre, et ne mentait nullement. Il y a longtemps qu’un urban fantasy ne m’avait pas autant embarquée. Plus glauque et dramatique que la plupart, il ne tombe toutefois pas dans les extrêmes de Gala De Spax.

Dès le départ, l’intrigue est parée de mystère. Tout comme Néa, nous ne savons pas grand-chose et ne comprenons pas ce qu’il se passe. Les événements funestes ou nébuleux s’insinuent dans la vie de la jeune femme, bien contre son gré. Néa est un personnage particulier : capricieuse, encore plongée dans les affres de l’adolescence malgré son décalage physique de 5 ans, elle peut se montrer agaçante. Son côté cynique et sa froideur séduisent. Expliqués lorsque nous en découvrons un peu plus sur son histoire, un attachement nait d’une compassion impossible à ne pas éprouver, malgré ses nombreux défauts. Néa est agaçante, certes, mais plongés dans ses pensées les plus obscures, c’est un personnage fouillé et intéressant. Crédible aussi.

L’intrigue est bien ficelée, et si à la fin du tome, nous ne savons pas tout, des révélations fracassantes sont faites et des situations dramatiques ont fracturé plus encore la vie fissurée de Néa. J’ai eu peur, à son retour au lycée, que le récit tombe dans une ambiance plus adolescente. Mais le lien avec son ancienne vie est ténu et ne se maintient pas de la manière dont Néa l’aurait voulu. Pas de chute dans le fleur bleu, donc. À aucun moment.

La fin est puissante. Terrible. Le chemin ténébreux suivit tout au long du livre laissait présager que la lumière n’était pas au bout du tunnel. Et pas de lumière, donc. L’obscurité uniquement. Il y a quelque chose de profondément cynique dans ce récit, qui m’a vraiment plu, et qu’on retrouve peu dans le fantastique tel qu’il est fait aujourd’hui. Je suis heureuse d’avoir découvert cette perle noire, et n’ai qu’une hâte : être aux Imaginales pour me procurer la suite.


Bayou de Zaroff

Bayou

Edition : TRASH (2016)
150 pages

RésuméLe Bayou dévore tout. 
Les corps et les âmes. Sacrifices vaudous, braconnage zoophile et crimes racistes sont monnaie courante dans cet enfer végétal.
On y lynche même des shérifs. Qui détient la vérité ? La prêtresse aux seins lourds, le KKK ou ce gnome au regard étrange ?

ExtraitLa saisissant brutalement par les cheveux, il lui bascula la tête en arrière et sortit sa queue immense, dure et traversée de veines bleuâtres. Il força les globes oculaires avec son gland et les creva. Une purée ressemblant à des glaires s'écoula des orbites violées. La vieille femme hurla, le visage pétrifié par la douleur. La bite fouillait les cavités crevées par des coups de reins à un rythme endiablé.


Chronique


Un roman poisseux, crade. Dans son ambiance collante, tenace, malsaine, et ses personnages dégénérés, ce livre se rapproche beaucoup de Blood Sex, de Nécrorian. Et dans cette veine, Zaroff n’a pas à rougir, il est à la hauteur de la comparaison.

C’est un livre qui laisse beaucoup de place au sexe, un peu trop pour ma part. Mais il n’y a pas à dire, Zaroff est imaginatif. Certains passages valent les chips lays de Night Stalker, pourtant une scène d’anthologie.
Mis à part ce « défaut », en lien avec mes préférences, c’est du Zaroff : sans concession, direct et percutant dans le style ; drôle et ironique dans les dialogues.

Plus que l’intrigue, c’est l’ambiance, qui donne sa part belle au Bayou, mais qui regroupe aussi le KKK et le vaudou, qui vaut le détour. C’est un roman riche, dense. Mais la fin est un peu rapide. Tous les éléments se rencontrent, mais cela se résolve assez vite une fois que tout prend sa place.
Les personnages sont assez particuliers, puisque bon « bouseux », ce qui participe à l’ambiance. Donc il est difficile de s’attacher à l’un d’entre eux, mais en même temps, ça a un certain cachet. J’ai tout de même apprécié l’adjointe Milly, avec son caractère affirmé et sa répartie.

J’ai une petite préférence pour Night Stalker, mais avec Bayou, zaroff va encore plus loin et livre un roman encore plus crade et nauséabond, à l’image de ces marécages putrides qui accompagnent tout le récit.


jeudi 12 mai 2016

Dragon de Thomas Day

Dragon

Edition : Le Bélial (2016)
152 pages

Résumé : Bangkok. Demain.
Le régime politique vient de changer.
Le dérèglement climatique global a enfanté une mousson qui n’en finit plus.
Dans la mégapole thaïlandaise pour partie inondée, un assassin implacable s’attaque à la facette la plus sordide du tourisme sexuel. Pour le lieutenant Tannhäuser Ruedpokanon, chargé de mettre fin aux agissements de ce qui semble bien être un tueur en série, la chasse à l’homme peut commencer. Mais celui que la presse appelle Dragon, en référence à la carte de visite qu’il laisse sur chacune de ses victimes, est-il seulement un homme ?





Chronique


Le résumé m’a tout de suite intriguée : une histoire entre le polar et le fantastique, avec une touche de science-fiction, plongeant dans les milieux sordides de la Thaïlande. Un mélange qui semblait bien prometteur. Et pourtant, même avec mes attentes élevées et son format court, ce livre va plus loin encore.


Tout d’abord, je sais que ça ne devrait pas jouer, mais je ne peux pas m’en empêcher : l’objet-livre est magnifique. J’étais émerveillée chaque fois que je l’avais en main. La collection promet un très bel esthétique, et ce n’est pas négligeable.
Au niveau du contenu, Dragon n’est pas un livre facile. Il est court, mais dense et brutal. Le style incisif, cru mais aussi parsemé d’images splendides, est très visuel. Je relisais certaines phrases pour le plaisir. Le mélange parfait dans un roman : le beau et le brutal.
Ce n’est pas un livre facile de par son sujet, évidemment, mais aussi dans sa configuration atypique, rappelant celle du Déchronologue : les chapitres sont présentés dans le désordre, ou plutôt dans un ordre non linéaire. J’ai apprécié ce jeu de piste à travers le temps, permettant d’instiller un rythme particulier au récit. Un peu hors du temps, justement. Comme l’histoire en elle-même, située dans un futur tellement proche qu’au final, elle résonne plus comme un conte atemporel. Un conte sur la cruauté de l’homme.



Je réfléchis, mais ne trouve rien de négatif à dire au sujet de Dragon. Des sujets graves, hideux sont abordés, les plus évidents étant la prostitution infantine, les ingérences de la mafia dans la politique du pays, l’impunité. Il y a aussi, en arrière fond mais toujours présent, le réchauffement climatique, avec cette pluie putride s’abattant continuellement sur la région. Autre horreur de l’homme. Il y a de nombreuses questions, politiques, morales, écologiques, traitées et il serait juste de se demander si un format aussi court le permet sans tomber dans la caricature. Thomas Day nous le prouve, car tous trouvent leur place dans ce récit, sans être survolés. De la même façon, en quelques lignes cet auteur parvient à brosser des personnages intéressants, fouillés et crédibles. C’est presque de la magie.



Un grand merci aux éditions Le Bélial et à babelio pour cette marquante découverte !




lundi 9 mai 2016

Tout n'est pas perdu de Wendy Walker

Tout n'est pas perdu

Edition : sonatine (2016)
341 pages

Résumé : Alan Forrester est thérapeute dans la petite ville cossue de Fairview, Connecticut. Il reçoit en consultation une jeune fille, Jenny Kramer, quinze ans, qui présente des troubles inquiétants. Celle-ci a reçu un traitement post-traumatique afin d’effacer le souvenir d’une abominable agression dont elle a été victime quelques mois plus tôt. Mais si son esprit l’a oubliée, sa mémoire émotionnelle est bel et bien marquée. Bientôt tous les acteurs de ce drame se succèdent dans le cabinet d’Alan, tous lui confient leurs pensées les plus intimes, laissent tomber leur masque en faisant apparaître les fissures et les secrets de cette petite ville aux apparences si tranquilles. Parmi eux, Charlotte, la mère de Jenny, et Tom, son père, obsédé par la volonté de retrouver le mystérieux agresseur.



Chronique


Après avoir tourné la dernière page, le sentiment qui prédominait en moi était la perplexité. Difficile de dire si j’avais aimé ou non ma lecture. J’ai apprécié la deuxième partie de ce roman avec une intensité similaire à mon aversion pour la première.

En effet, les 150 premières pages (environ) se sont révélées assez fastidieuses, et j’ai éprouvé de grandes difficultés à entrer dans l’histoire. Ceci est dû principalement au procédé narratif utilisé. L’histoire est entièrement racontée par le psychiatre, et donc il y a une certaine prise de distance par rapport aux autres personnages. Nous ne les voyons que par le prisme du narrateur, qui est loin d’être objectif et qui nous délivre ses opinions tout au long de son récit.


Plusieurs choses m’ont dérangée dans ce procédé, et la plus importante est incontestablement le narrateur lui-même. J’ai trouvé ce psychiatre exécrable. Il assène des jugements moralisateurs, énonce des « vérités universelles » qui n’appartiennent pourtant qu’à lui, d’un ton condescendant. De plus, il interpelle régulièrement le lecteur, ce que je n’apprécie déjà pas habituellement puisque ça a tendance à me sortir de ma lecture, mais qui est d’autant plus dérangeant dans le cas présent qu’il donne l’impression de vouloir obliger à prendre son parti. Et je n’aime pas du tout qu’on me force la main. 

Pour l’exemple, quelques passages qui m’ont hérissé le poil : celui qui manque d’une empathie folle pour un psychiatre sur le suicide, suivi d’une diatribe sur l’incapacité des adolescents à prendre de bonnes décisions « malgré leur apparence physique, si vous pouviez voir à l’intérieur de leur cerveau, vous ne trouveriez pas un adulte à cent kilomètres à la ronde. Ce n’est pas l’inexpérience qui les pousse à prendre de mauvaises décisions. Ils ne sont tout simplement pas équipés pour en prendre de bonnes. Pour preuve, les pensées de Jenny, ce soir où elle était assise sur son lit ». Quand il parle de sa femme : « Je me sens intellectuellement supérieur à elle », « Je l’ai encouragée à passer une maitrise pour que nous puissions avoir des conversations plus sophistiquées ». Sans parler de sa prétention, lorsqu’il évoque qu’il a « sauvé » tous ses patients sauf un, etc.
Enfin, je ne vais pas citer tous les passages, mais j’avais régulièrement envie de lui mettre quelques claques. Ce qui n’aide donc pas à se plonger dans une histoire quand celle-ci est intégralement racontée par ce personnage.


L’autre problème de ce procédé, ce sont les régulières digressions du narrateur. Il évoque de nombreux sujets, et il est facile de se perdre dans la trame narrative qui fait sans cesse des allers-retours. À un moment, il évoque une nouvelle annoncée par la radio, ce qui l’amène à parler d’un patient, puis d’autres patients qu’il a vu à la prison de Sommers, pour revenir ensuite à la nouvelle plusieurs pages plus loin, mais comprendre ce à quoi il fait référence est alors difficile.


Le dernier inconvénient de cette narration est la prise de distance que cela engendre par rapport aux autres personnages principaux, comme Jenny, Tom, Charlotte. Nous les voyons de l'extérieur et donc cela prend du temps de s’identifier à eux.


Le bilan de la première partie se révélait donc assez négatif. Mais voilà, il y a eu la seconde partie. Et là, je ne peux que m’incliner. L’intrigue est parfaitement ficelée, les actions et révélations s’enchainent. Il est difficile de reposer le livre, et à la fin subsiste ce sentiment d’exaltation et de satisfaction, celle d’avoir été manipulée aussi bien que les personnages du roman.


Donc difficile d’émettre un avis définit quand les deux parties de ce roman se trouvent aussi contrastées. Mais même si la première est laborieuse, la seconde vaut le coup de s’accrocher.