mardi 26 janvier 2016

Phobos de Victor Dixen

Phobos : tome 1 & 2

Edition : Robert Laffont (2015)
Tome 1 : 433 pages
Tome 2 : 490 pages

RésuméSix prétendantes d’un côté. Six prétendants de l’autre. Six minutes pour se rencontrer. L’éternité pour s’aimer. Ils sont six filles et six garçons, dans les deux compartiments séparés d’un même vaisseau spatial. Ils ont six minutes chaque semaine pour se séduire et se choisir, sous l’œil des caméras embarquées. Ils sont les prétendants du programme Genesis, l’émission de speed-dating la plus folle de l’Histoire, destinée à créer la première colonie humaine sur Mars. Léonor, orpheline de dix-huit ans, est l’une des six élues. Elle a signé pour la gloire. Elle a signé pour l’amour. Elle a signé pour un aller sans retour. Même si le rêve vire au cauchemar, il est trop tard pour regretter.


Chronique

Phobos m'a surprise dans le bon sens du terme, car il a vraiment su m'embarquer dans son voyage pour Mars. J'ai lu les deux premiers tomes en trois jours, ce qui ne m'arrive plus très souvent (études en cause). Je vais donc donner mon avis sur les deux tomes en une seule chronique. Toutefois, malgré ses solides atouts, quelques points m'ont empêchée de le considérer comme un coup de cœur.

Pour commencer avec les atouts, son principal est son héroïne. L'histoire de Léonor est touchante, et elle a une personnalité très attachante : à la fois battante et fragile, cachant ses failles au monde entier et ayant peur de s'ouvrir aux autres, de se rendre vulnérable. Elle a une armure solide qui dissimule des failles très profondes.
L'auteur a soigné ses personnages adolescents, de façon générale. La plupart n'ont pas eu une vie facile, au contraire, ce qui leur donne une dimension intéressante, malgré un certain manque de développement parfois. Les personnages sont nombreux, et j'ai regretté de ne pas en connaître plus amplement certains. Toutefois, le deuxième tome développe des personnages laissés de côté dans le premier, et j'espère que le troisième continuera dans cette voie. Le mystère laissé autour de certains est, à mon humble avis, un des ingrédients déterminants de la réussite de l'intrigue, car ainsi la surprise est au rendez-vous : et surprise, il y a ! Je peux le garantir.

(spoilers) Ainsi, le passé de Mozart me semble encore trouble, et les éléments apparus dans le tome 2 : ses exactions avec Harmony, la fille de Serena, laissent penser à un caractère plus trouble que ce qu'il nous a montré jusqu'à présent. Sa personnalité trop douce m'avait jusqu'alors parue peu crédible, et je pensais à une erreur de l'auteur. Après tout, il était un membre du gang le plus violent du plus affreux bidonville de Rio. Mais avec les nouvelles informations, je me demande s'il n'a pas caché son jeu. Il disait vouloir échapper à son gang, ce qui n'était possible que s'il s'éloignait de la terre, pour ne pas être tué par le poison relié à son système nerveux. Mais avant d'être embarqué pour Mars, il a été entraîné pendant un an : durant ce temps-là, son gang a forcément remarqué son absence. Il aurait donc dû mourir puisqu'il restait dans le périmètre d'atteinte du dispositif. Or, le fait qu'il ait transmis de la drogue à Harmony laisse penser qu'il était sûrement en contact avec son gang à ce moment-là, donc il n'a probablement pas été totalement honnête.
Quant à Alexeï, son passé reste mystérieux, mais on découvre de plus en plus sa personnalité, et il m'est de plus en plus antipathique. À mon avis, il n'a pas fini de poser problème. (fin des spoilers)

L'intrigue est originale et bien ficelée. Elle tient en haleine, reste crédible malgré la démesure de l'idée. Les détails concernant Mars et l'astronomie semblent reposer sur des bases solides et y font pour beaucoup. La romance prend une place satisfaisante, pas trop encombrante dans l'intrigue, qui sait s'en éloigner pour développer d'autres aspects. Le deuxième tome m'a semblé un peu plus long dans sa partie centrale, mais c'était nécessaire. Il fallait le temps de poser les bases. La dernière partie rattrape cela facilement, avec un rythme effréné, où les révélations et les retournements de situation s'enchaînent. Il est dès lors impossible de reposer le livre avant de l'avoir terminé (même si on est au milieu de la nuit, en pleine période d'examens : je tiens donc à maudire l'auteur). Et là… et là, je peux maudire à nouveau Victor Dixen, parce qu'il maitrise parfaitement le cliffhanger : il nous a torturé avec une fin au suspense atroce avec le premier tome, m'obligeant ainsi à commencer le deuxième immédiatement… mais celle du deuxième est pire encore ! Et le troisième n'est pas pour tout de suite, ce qui est affreusement sadique. Dormir après cette fin ? Il faut au moins attendre une à deux heures pour se calmer…
J'attends donc le troisième tome avec une grande impatience, qui va probablement être riche au vu du nombre d'éléments laissés en jachère.

Maintenant, bien que certains défauts du premier tome aient été corrigés dans le deuxième, ce qui démontre la qualité de la série, mon bémol se situerait principalement au niveau des personnages adultes. Ils manquent parfois  de crédibilité, leurs réactions confinant à celles que des adolescents auraient pu avoir plutôt que de personnalités fortes au sein d'organisation mondialement reconnues. C'est dans cet aspect que le côté « jeunesse » du livre est le plus marquant. Le manque de développement de certains personnages m'a aussi titillée mais c'est globalement justifié.

Pour ceux qui veulent s'évader, vivre une aventure passionnante dans l'espace ; pour ceux qui aiment la littérature jeunesse et/ou les dystopies, c'est une série que je conseille. Son originalité, ses cliffhangers atroces et ses personnages attachants en font un très bon moment de lecture, qui permet de déconnecter.


Jane Yellowrock : tueuse de vampires de Faith Hunter


Jane Yellowrock : tueuse de vampires

Edition : panini (2013)
465 pages

RésuméL’année dernière, Jane a frôlé la mort en anéantissant une famille de vampires sanguinaires qui semaient la terreur parmi la population. Après des mois de convalescence, la voilà de retour, prête à se battre à nouveau. Sauf que cette fois, elle a été engagée par ceux qu’elle a l’habitude de tuer : des vampires.
Jane Yellowrock est la dernière de son espèce : une porteuse de peau de descendance cherokee capable de prendre l’apparence de n’importe quel animal et qui traque les morts-vivants pour gagner sa vie. Elle est recrutée par Katherine Fonteneau, l’une des vampires les plus âgées de toute la Nouvelle-Orléans, mère maquerelle du Katie’s Ladies, pour chasser un vampire paria qui s’attaque à ses semblables.
Entre la maison close, pleine de véritables belles de nuit, et un motard Cajun sexy qui arbore une panthère tatouée sur l’épaule et qui réveille son désir, Jane doit rester concentrée pour remplir sa mission… ou la prochaine peau qu’elle devra sauver pourrait bien être la sienne.


Chronique


Ce roman est bourré de qualités, mais la fin un peu rapide m'a laissée sur une impression plus mitigée qu'au court de ma lecture.

Tout d'abord, l'univers m'a rappelé celui de Mercy Thompson, et l'héroïne est un mixte entre la Mercy susnommée et Kate Daniels : un cocktail plutôt explosif, qui envoie du pâté ! J'ai particulièrement aimé sa "relation" avec Bête, ambigüe, qui alterne entre cohabitation, collaboration et bataille rangée. Cette scission de deux êtres partageant le même corps est déroutant mais très intéressant. La découverte progressive de la nature et de l'histoire de Jane est aussi particulièrement captivante. Ces références aux mythes indiens, aux Cherokees m'ont ravie.

Les personnages secondaires m'ont toutefois laissée un peu froide, ils ne prennent pas une place très importante. Peut-être sont-ils un peu nombreux, et l'action étant très concentrée, n'y avait-il pas la place dans ce tome pour les développer. Léo, La Flic, Molly sont prometteurs. Gros Bras éventuellement aussi, même s'il n'a pas brillé par une personnalité très définie jusque là. Rick a par contre tendance à m'exaspérer, mais il ne risque pas de disparaître du paysage pour le moment.

Les chapitres du point de vue de Bête sont intéressants, mais répétitifs dans leur déroulement (manger, vouloir vaquer à ses occupations, être rappelée à l'ordre, chasser). J'ai survolé quelques passages.
L'intrigue se tient mais la résolution est trop rapide et manque de panache, comparativement au reste de l'histoire. J'en suis ressortie légèrement frustrée, presque vide, avec l'étrange impression de n'avoir rien lu. J'ai dévoré ce livre comme une friandise dont le goût se serait dissipé sitôt avalée, et qui n'aurait pas comblé ma faim.

Alors peut-être que je fatigue de ce type de lecture tout simplement. Ca manque de consistance. C'est très agréable, très sympa, avec tout ce que j'aime, et pourtant ça ne me suffit pas. Je ne peux pas dire que je n'ai pas aimé, ce serait faux : c'est amusant, dynamique, dans un univers qui me convient et correspond. C'est vraiment un bon livre du genre. Mais ça ne me comble plus.

Je ne manquerai pas de lire la suite, lorsqu'une envie de sucré me poussera à engloutir des friandises.


Le sang des forêts de Jean-François Leblanc


Le sang des forêts

Edition : La Valette (2015)
273 pages

RésuméLe trafic de coke tisse des liens sanglants. Les zones interdites du Venezuela chaviste, les rumeurs anonymes de San Luca, les déchéances meurtrières de Montréal et les réserves amérindiennes contestataires du Québec libéral se mêlent dans la deuxième enquête de Jean Royer, Sergent détective au service de police de la ville de Montréal. Échappant aux dérives criminelles du milieu de la construction, il se lance à la poursuite d’un mandataire sadique de la ‘ Ndrangheta :Ramone. Ce prince du crime des bidonvilles de Caracas a décidé d’anéantir les forces de l’ordre de la Belle Province. Borderline, Jean Royer, va oser se frotter à ces réalités et révéler le secret des contradictions québécoises. En contrepoint de cette deuxième enquête horrifique, le quotidien de “l’embrocheur” se dévoile progressivement. Ce pervers absolu né dans La sentence de juillet trouvera sa vérité dans l’épilogue de la trilogie : Le labyrinthe des mirages. Le sang des forêts scelle le talent de l’un des écrivains les plus atypiques de sa génération. Son univers poétique rugueux épouse le rythme du jazz, créant une atmosphère unique, dérangeante, tant elle plonge dans les ténèbres.


Chronique


Autant le dire tout de suite : je n'ai pas été très emballée par ce roman, pour diverses raisons.


Tout d'abord, au niveau des personnages, j'ai eu beaucoup de mal à m'attacher à Royer. le flic bourru, désabusé, toujours proche de l'explosion de violence, ayant du mal à se remettre en question et à construire autre chose dans sa vie que la sempiternelle traque des criminels, on a déjà vu. Et si je dois être tout à fait honnête, ce n'est pas tant cet aspect de vu et revu qui me dérange, car une certaine réalité doit quand même être dépeinte dans ce tableau (on ne ressort pas du contact quasi-permanent avec la violence et l'horreur indemne) mais plutôt qu'à vrai dire, je n'ai jamais accroché avec ce type de personnage. Que ce soit les « héros » de Christophe Grangé, ou Sharko de Franck Thilliez, ou bien d'autres, je les trouve assez peu attachants. Alors, si la psychologie du personnage n'est qu'effleurée (on connaît, après tout), ça n'en devient que plus lassant. Quant aux retours en arrière, aux explications du passé, je les aie trouvées un peu bancales, et pas toujours bien insérées dans l'histoire principale. L'affiliation amérindienne aurait pu être intéressante, mais est tombée de nulle part. de même que l'apparition du chien, qui m'a par ailleurs beaucoup plue, laisse un peu sur le carreau et joue trop des stéréotypes. Mais peut-être qu'en ayant lu le premier tome, les points évoqués sont ressentis différemment. Toutefois, si l'histoire personnelle de Royer, de sa femme, de même que les autres personnages, pas assez développés à mon goût, trop interchangeables dans leurs personnalités, ne m'ont pas particulièrement intéressée, le sang des forêts a tout de même le mérite de ne pas tomber dans certaines facilités, et évite la guimauve (j'ai apprécié que Royer ne se découvre pas soudain une fibre paternelle).



Si l'on met de côté la recherche identitaire de Royer (qui fait appel à certains clichés qui m'ont fait tiquer : (spoilerscomme il est à moitié amérindien, il se sent bien dans la forêt, a un contact particulier avec les chiens et se met à scalper?(fin des spoilers)), deux histoires sont développées en parallèle. La principale, celle sur le milieu de la drogue, est intéressante sur certains points mais ne m'a pas tenue en haleine. Les éléments sont mal dosés : on a une fin explosive, qui condense toute l'action du livre en 20 pages, alors que le reste est assez mou (Royer suit un enchaînement de meurtres tous semblables, pour lesquels on connaît le coupable, et qui ne débordent pas du milieu de la drogue. Peu d'éléments nouveaux en ressortent. Certains détails qui auraient pu apporter plus de matière sont peu exploités, comme les taupes dans la police). de plus, si le développement de l'enfance du tueur, dans les bidonvilles de Caracas, est probablement l'aspect le plus intéressant du livre, il est toutefois trop présenté comme un exposé. J'aurais préféré qu'il soit divisé en de petites touches subtiles tout au long du livre plutôt que livré d'un bloc, tel une analyse sociale indigeste.
L'autre histoire, en parallèle, est celle d'un violeur-tueur en série d'enfants, qui provoque une répulsion quasi-immédiate, et retient l'attention. L'idée d'étendre cette intrigue sur les trois livres de la trilogie est surprenante, mais pourquoi pas. Sauf qu'une fois encore, j'aurais aimé pouvoir appréhender un peu mieux la psychologie du personnage. Durant tout le roman, j'ai eu l'impression de rester à l'extérieur, simple spectatrice d'actions, réactions, sans parvenir à m'impliquer dans celles-ci.



En dernier lieu, le style m'a laissée dubitative. Certains passages sont beaux, d'une poésie rude, mais noyés dans une avalanche de termes, de vocabulaire, qui alourdissent l'ensemble. Certaines phrases sont exagérément longues (allant jusqu'à quasiment une page), obligeant à relire celles-ci plusieurs fois pour en saisir le sens (puisqu'à la fin de la phrase, j'avais déjà oublié le début). D'autres sont complexifiées inutilement par un vocabulaire recherché, rendant le sens de la phrase très flou, sans aucun pouvoir pictural (comment se représenter quelque chose qui n'a plus aucun sens?). Donc un style naviguant entre réussites et échecs, cherchant souvent à en faire trop, avec un enthousiasme si débordant que le but recherché en est quelque peu ruiné.
Pour l'exemple, voilà un passage, parsemé de belles images, accumulées de telle manière qu'elles en deviennent lourdes et fastidieuses à lire :



« Les barrios représentaient ses gènes : ces quartiers populaires construits par les habitants habitués à la mort, cette ambiance de siège constant insufflant une dynamique embrassant toutes les turbulences inimaginables, ces abris en tôles aux dimensions fractales, sortes d'arbres métallurgiques indistincts offrant une vue d'ensemble trouble, ces zones d'ombres brumeuses naissant au gré des improvisations architecturales chaotiques ; l'emmêlement continu des corps sulfureux, le désir d'une violence claire, impériale et décisive permettant de transformer un malandro en figure ultime du chaos, paré à mener une insurrection apte à ouvrir les frontières d'un abîme impensable, légitimé par un Etat pétrolier habitué à réprimer la pauvreté plutôt qu'à la guérir en refusant à tout jamais de la légitimer, en excluant l'idée même de la soulager en la partageant. »



Très rares sont les auteurs parvenant à écrire des phrases extrêmement longues qui restent belles, compréhensibles et captivantes. Malheureusement, Jean-François Leblanc demeure peut-être un poil trop inexpérimenté pour réussir cet exercice de style, malgré de bonnes idées. Car si j'ai beaucoup critiqué, dans le sens négatif du terme, c'est surtout dû à une certaine frustration, car ce roman présente du potentiel, dans certaines images, dans l'ambiance, dans le mélange culturel entre les forêts du Canada, les bidonvilles de Caracas, les réserves indiennes, etc. et il aurait fallu de peu pour que je puisse l'apprécier. D'ailleurs, je ne doute pas que ceux qui auront pu s'attacher à Royer, aux différents personnages, ainsi qu'être transportés par ces voyages et ce style (car certains aimeront, mon avis n'est que purement subjectif), trouveront des qualités indéniables à ce roman, et l'apprécieront.



Je remercie de toute façon Babelio et les Editions La Valette pour la découverte de ce livre et de cet auteur, car il est toujours intéressant d'élargir ses horizons.


samedi 23 janvier 2016

Purgatoire des innocents de Karine Giebel

Purgatoire des innocents

Edition : pocket (2014)
635 pages

RésuméJe m'appelle Raphaël, je viens de passer 14 ans de ma vie derrière les barreaux. Avec mon frère, William, et deux autres complices, nous avons dérobé 30 millions d'euros de bijoux. Ç'aurait dû être le coup du siècle, ce fut un bain de sang. Deux morts et un blessé grave. Le blessé, c'est mon frère. Alors, je dois chercher une planque sûre où Will pourra reprendre des forces.
"Je m'appelle Sandra. Je suis morte il y a longtemps dans une chambre sordide. Ou plutôt, quelque chose est né ce jour là..."
Je croyais avoir trouvé le refuge idéal. Je viens de mettre les pieds en enfer.
"Quelque chose qui parle et qui marche à ma place. Et son sourire est le plus abominable qui soit..."



Chronique


Un véritable coup de coeur. Depuis que je l'ai fini, je n'ai pas pu m'empêcher d'y penser. Ou plutôt, depuis que je l'ai commencé. Car dès le départ, Karine Giebel tape très fort, vise très haut. Et pourtant, malgré la taille du livre, il n'y a aucune baisse de tension. Au contraire, celle-ci ne cesse de monter, jusqu'à atteindre un summum dans les derniers chapitres. Mais ce n'est pas dans son scénario, pourtant implacable et extrêmement bien maitrisé, que se situe le point fort de ce livre. Ce sont les personnages, incroyablement vivants. Surtout Raphael et Sandra, que je n'oublierai pas de sitôt ! Karine Giebel nous fait trembler pour un criminel, nous déchire le coeur pour une folle. C'est un roman dur, cruel, parfois cynique, parfois vibrant de poésie, mais toujours juste. Il vise au coeur et il fait des victimes sur son passage. C'est implacable. C'est parfait.

C'est le roman que j'aurais voulu écrire.


vendredi 22 janvier 2016

Charley Davidson, tome 7 : sept tombes et pas de corps de Darynda Jones


Sept tombes et pas de corps

Edition : Milady (2015)
475 pages

RésuméDouze chiens de l'enfer se sont échappés. Leur but : tuer Charley Davidson, faucheuse hors du commun et détective privée à ses heures, et rapporter son cadavre à Satan. Mais la jeune femme a d'autres problèmes, comme son père disparu alors qu'il menait une enquête des plus étranges. Ou encore une ex-meilleure amie qui la hante nuit et jour, une épidémie de suicides qui laisse les autorités perplexe et un fiancé sexy à mourir qui s'est attiré les faveurs d'une célébrité locale... Le moins qu'on puisse dire c'est que Charley ne passe pas la meilleure semaine de sa vie.


Chronique

Une série qui a le grand avantage de me donner le sourire, et parfois, ça fait du bien. Et après le septième tome, je peux dire que l'humour et la légèreté de Charley sont toujours aussi efficaces, et que je me suis plongée avec grand plaisir dans ce roman.


Néanmoins, l'amusement et la bonne humeur, qui me plaisent tant dans cette série sont aussi le bémol qui m'empêche de la classer dans mes favorites. En effet, il est difficile d'imaginer Charley et sa vie bouleversées de manière définitive, terrible et dramatique. Donc le parti pris humoristique détend, et du coup, enlève une grande part de tension.



Il y a également divers détails, qui à force de s'accumuler peuvent en devenir agaçant. Et le gros, l'immense, l'immanquable défaut de ce tome, c'est sa propension à s'éparpiller dans tous les sens. Il y a des mini-enquêtes qui jaillissent de partout, et si ça donne un rythme effréné au livre, on finit par s'y perdre. Car, n'ayant pas encore tous les éléments en main, comment déterminer ce qui est important et ce qui est anecdotique ? C'est peut-être voulu, mais n'en reste pas moins cette impression de confusion. J'attends en tout cas des réponses plus claires dans le prochain tome, car certains évènements dans celui-ci sont tout de même importants.
Autre détail, mineur celui-ci, mais tout de même : certaines répétitions dans le couple Charley-Reyes, avec les mêmes difficultés qui reviennent sur le tapis et surtout… une tendance à glorifier le physique de Reyes un peu excessive, et récurrente. Il est beau, on a compris. Heureusement, l'humour avec lequel c'est présenté a tendance à diminuer ce défaut.



Bref, de l'humour, de l'action, des personnages toujours aussi attachants et une intrigue qui continue à tenir en haleine, malgré un tome trop éparpillé. Si l'histoire se recentre et que des éléments nouveaux nous sont fournis au prochain tome, il n'y aura aucune raison d'être déçue.


Cas cliniques en Thérapies Comportementales et Cognitives de Jérôme Palazzolo


Cas cliniques en Thérapies Comportementales et Cognitives

Edition : Elsevier-Masson (2012)
288 pages

RésuméCet ouvrage commence là où bien des livres et articles finissent, à la question : ' Comment vais-je m'y prendre avec ce patient précis ? '. C'est une chose que de comprendre ce qu'est une technique d'exposition, c'en est une autre de savoir la conduire.
Les dix cas cliniques présentés dans cet ouvrage permettent ainsi au thérapeute débutant et à l'étudiant d'accéder au coeur de la pratique par les pathologies les plus représentatives en TCC : phobie sociale, trouble panique, anxiété généralisée, dépression, troubles des conduites alimentaires, etc. Pour chacun des cas cliniques, le lecteur trouvera la même structure lui permettant de comprendre, d'organiser et de suivre étape par étape le processus thérapeutique.
Cette troisième édition s'enrichit de témoignages de patients qui, avec leurs mots, expriment un vécu pathologique ' de l'intérieur '. Ces réflexions, empreintes d'émotions, nous rappellent combien la maladie psychique est source de souffrance et permettent ainsi d'appréhender le recueil des informations anamnestiques dans la démarche de soin.


Chronique

C'est un ouvrage didactique qui permet de mieux appréhender, dans la pratique, comment se déroulent les TCC. de plus, il est très facile à lire, avec un style toujours précis, condensant des histoires de vie intéressantes et variées. Sa grande force, c'est incontestablement cet éclectisme des sujets, nous permettant d'avoir un large aperçu des domaines d'application de ces techniques. J'aurais toutefois un regret : l'impression parfois d'une interruption soudaine, d'être laissée en plan sans connaitre la fin de l'histoire. En effet, s'il y a un suivi devant permettre d'approfondir ou maintenir les progrès de la thérapie, celui-ci n'est souvent pas détaillé dans le livre.

Il y a donc certaines questions qui restent en suspens dans mon esprit. Notamment, par rapport à l'efficacité des TCC dans le cas des troubles du comportement alimentaire. J'ai lu un livre sur le sujet il y a peu (Boulimie Anorexie - Guide de survie pour vous et vos proches) et l'auteure évoquait cette thérapie, en la qualifiant d'utile uniquement sur le court terme. En effet, selon elle, les TCC se concentrent sur le contrôle du trouble, ce qui amène la plupart du temps à une rechute dans les mois qui suivent.
Or, sa présentation des TCC dans le cas de la boulimie semble correspondre à ce qui est évoqué dans ce livre, mais celui-ci s'arrête après plusieurs mois sans crise. J'aurais aimé savoir ce qu'il en était plus tard, afin de comparer les résultats en thérapie de l'auteure Catherine Hervais et ceux de la TCC.

Une question, personnelle, en découle : les TCC donnent des outils pour agir sur l'ici et maintenant, mais ces progrès se maintiennent-ils sur le long terme ? Une fois la thérapie terminée, et le soutien du thérapeute ôté, la personne parvient-elle à l'autonomie et à vivre une vie "normale" ? C'est au niveau de cet aspect qu'il me manque encore des réponses.

Néanmoins, j'ai adoré découvrir ces différents cas, tous touchants, qui permettent aussi d'appréhender certaines difficultés de la clinique, et toute sa complexité (car les problèmes peuvent être multiples, la relation de l'entourage a aussi son influence, de même qu'une multitude d'éléments). Une lecture très enrichissante, que je conseille à ceux qui sont intéressés par les TCC.


MurderProd de Christian Vilà


MurderProd

Edition : Trash (2013)
150 pages

RésuméSang à la une, meurtres à vocation publicitaire, viols à but lucratif, reportages ignobles, fictions où les acteurs souffrent et succombent réellement: la société du spectacle dans ce qu'elle a de plus infect. Silence, on tue.

ExtraitLe milicien décapite la femme violée à coups de machette, soulève son corps qu'agitent les derniers spasmes et le superpose à celui de Breuil, qu'il force à la pénétrer. Horrifié, le visage inondé de sang, David sent son érection durcir au contact des muqueuses souillées. L'autre braque sur lui sa propre caméra. - Tu vois, charognard de journaliste, tu es encore pire que nous...

Chronique

C'est vraiment difficile d'écrire un commentaire à propos de ce livre… tout comme sa lecture a parfois (souvent) été éprouvante. C'est un livre court, mais je n'ai pas pu le lire d'une traite. Ni même en deux. Ou trois. Il m'a fallu poser ce roman, pour le reprendre par la suite, à plusieurs reprises.
Le livre tourne beaucoup autour de l'aspect "snuff movie" (je m'attendais d'ailleurs à voir un peu plus David et ses reportages, mais vers la fin, on le retrouve dans toute son abjection). le sujet m'a rappelé vaguement La promesse des ténèbres de Maxime Chattam (sur un journaliste qui plonge dans le porno underground à tendance snuff) qui m'avait marquée (enfin surtout une scène : celle de pénétration dans une plaie ; qu'on retrouve aussi dans Murderprod). Mais la comparaison s'arrête là, parce que si le livre de Chattam était glauque, Murderprod est bien plus que cela… il est écoeurant. Il dégoute, par ses descriptions très visuelles, ses perversions, dépravations des plus sordides, mais ça va plus loin encore. Murderprod dépeint un portrait très noir du monde. Car dans ce roman, la violence n'est pas individuelle, personnelle, ne semble pas limitée à quelques individus, mais au contraire semble tout envahir, tout avilir. Elle salit, gangrène tout. J'en ressors, non pas avec un dégoût pour certaines scènes, mais un dégoût général. Il n'y a pas d'espoir, ni vraiment de pause dans l'horreur.

Le rapport à l'image est très présent (avec la pornographie, la presse), tout comme dans notre société, et ça déshumanise, rend cette violence et ce récit encore plus froids, glaçants. le seul vrai "rapport" semble être celui qui lie Sushi et Noé, mais même là l'espoir ne nous est jamais vraiment laissé.
Les personnages eux aussi sont gris très foncés, il n'y a pas vraiment d'innocent, ou de héros.
L'aspect sexuel était un peu trop présent à mon goût, à un moment. J'avais arrêté ma lecture vers la fin du tournage du "film". Mais après la reprise, j'ai lu le reste d'une traite. Et j'ai trouvé la fin parfaite. J'ai adoré.

Les éléments s'assemblent comme un puzzle et on comprend pourquoi le roman est structuré de cette façon. Bien sûr, la fin enfonce le clou dans le cynisme et la noirceur.


Cessez d'être gentil, soyez vrai de Thomas d'Ansembourg


Cessez d'être gentil, soyez vrai !

Edition : De l'Homme (2004)
249 pages

RésuméNous avons pris l’habitude de dissimuler ce qui se passe en nous afin d’acheter la reconnaissance, l’intégration ou un confort apparent plutôt que de nous exprimer tels que nous sommes. Nous avons appris à nous couper de nous-même pour être avec les autres. La violence au quotidien s’enclenche par cette coupure : la non-écoute de soi mène tôt ou tard au non-respect de l’autre. Cessez d’être gentil, soyez vrai ! est un seau d’eau lancé pour nous réveiller de notre inconscience. Il y a urgence à être d’avantage conscients de notre manière de penser et d’agir. Le message de Cessez d'être gentil, soyez vrai ! est plus actuel que jamais. Pour rendre son propos encore plus accessible, l'auteur a choisi de revoir son texte et de l'agrémenter d'illustrations humoristiques. Condensée, simplifiée et plus légère, cette nouvelle édition constitue le premier pas capital pour quiconque cherche à se libérer de ses habitudes néfastes et à s'ouvrir aux concepts de la communication non-violente.

Chronique

Un livre intéressant, qui donne à réfléchir et envie de s'essayer à un autre mode de communication. Mais dans la pratique, ça semble un peu plus compliqué à mettre en oeuvre !

J'ai adoré les nombreux exemples qui jalonnent le livre, et je me suis vraiment retrouvée dans certaines idées. Il y en a même qui m'ont fait l'effet d'une baffe, tant cela semble logique, mais pourtant je n'avais jamais pris le temps de m'y attarder.

Tout d'abord, il y a cette idée principale d'écouter nos sentiments et besoins, pour mieux être à l'écoute de ceux des autres. Je me suis rendue compte alors que mon manque de patience envers les problèmes des autres actuellement venait à vrai dire d'une frustration qui m'était propre. Depuis ce livre, j'essaie de chercher, pour moi comme pour les autres, les besoins éventuels que cachent une réaction, plutôt que de m'en agacer, ou autre réaction inappropriée.
Et pour se concentrer plus précisément sur une émotion (la colère), Thomas d'Ansembourg décrit très bien la peur des conflits : "Dans la peur du conflit se reflète encore la quête désespérée de l'approbation de l'autre. Si nous ne nous donnons pas à nous-même une appréciation mesurée, juste, nous risquons bien de passer notre vie à quêter désespérément auprès des autres une appréciation démesurée". Ainsi, pour lui, "notre propre colère est vécue comme une menace : vais-je encore être aimé si je montre ma colère ?".
Un autre point de réflexion qui m'a parlé, c'est celui sur le fait que nous avons appris à faire, et non pas à être. Nous sommes dans une société où on nous a appris à toujours être dans l'action, on se sent toujours obligé de "faire quelque chose". Or parfois, il faudrait au contraire ne rien "faire", mais écouter ce que l'autre a à dire.

Il parle beaucoup de la peur, par rapport au regard de l'autre, qui nous pousse donc à enfermer notre colère, à correspondre à une certaine image (de la bonne fille, du bon garçon, de la bonne maman, du bon employé etc.), nous poussant à vouloir bien faire… et cette peur nous pousse aussi à rejeter l'indifférence :
"Nous avons peur de constater notre différence. Nous l'évitons ou la refoulons. Ce faisant, nous nous entraînons peu à accueillir la différence de l'autre. Face à la différence de l'autre, que faisons-nous ? Nous l'évitons ou la rejetons. Nous tolérons l'autre dans la mesure ou il est "même" et où il "m'aime". Pour ce faire, nous rencontrons alors davantage les gens qui pensent comme nous, parlent comme nous, s'habillent comme nous, croient ou prient comme nous, font les mêmes choses que nous… C'est rassurant !"

"On m'aime ou on "même" ?"

Donc de nombreux points intéressants sont soulevés dans ce livre. Néanmoins, je ne pense pas (et l'auteur le dit lui-même) que cela suffise au changement. de plus, sans quelqu'un pour nous guider dans la pratique, c'est assez difficile à appliquer. J'ai tenté l'expérience mais ça a été un gros flop. A vrai dire, j'ai même provoqué une dispute (ce qui est le but inverse de l'exercice, puisqu'on parle de communication non-violente). Mais je ne désespère pas, et à force d'essayer, je trouverai probablement la recette pour rendre tout cela plus naturel (ou je l'espère pour mon entourage, sinon il risque de ne pas trop apprécier).


mercredi 20 janvier 2016

Stéphane de Vincent Villeminot


Stéphane

Edition : Nathan (2015)
383 pages

RésuméCela fait 10 jours que le virus U4 accomplit ses ravages. Plus de 90% de la population mondiale est décimée. les seuls survivants sont des adolescents. L’électricité et l’eau potable commencent à manquer, tous les réseaux de communication s’éteignent. Dans ce monde dévasté, Koridwen, Yannis, Jules et Stéphane se rendent, sans se connaître, à un même rendez-vous. Parviendront-ils à survivre, et pourront-ils changer le cours des choses ? 

Stéphane est la fille d'un célèbre épidémiologiste lyonnais. Convaincue qu'il a survécu à l'épidémie, elle ne veut pas rejoindre le groupe d'adolescents qui s'organisent pour survivre. Si son père ne revient pas ou si les pillards qui contrôlent le quartier arrivent avant lui, son dernier espoir résidera dans un rendez-vous fixé à Paris.

Chronique


J'étais très curieuse à l'idée de découvrir ce nouveau phénomène, et je n'ai pas été déçue !


Vincent Villeminot a créé un univers très cohérent et réaliste, donc dur et sans concession. Mais la grande qualité du livre tient surtout à ses personnages nuancés, très humains, surtout celui de Stéphane, que j'ai adoré.


Bien entendu, au niveau de l'intrigue, il ne faut pas s'attendre à de l'originalité. Mais quand c'est bien fait, il n'y a pas toujours besoin de renouveler le genre pour trouver satisfaction à sa lecture. Or là, les explications scientifiques qui jalonnent le livre, ainsi que les réactions, l'évolution des personnages et des survivants en général (avec la tentative d'instaurer de la stabilité par la force et la domination) m'ont parues tout à fait crédibles. L'écriture nerveuse, concise crée un rythme, alors même que l'auteur parvient à instaurer une ambiance lourde, sombre.


Il s'agit plus d'un récit initiatique, dans lequel on suit l'évolution des personnages, on les voit se débattre dans leurs espoirs, leurs peurs, leurs difficultés, leurs fantômes personnels, cherchant parfois à alléger leur fardeau en le partageant avec d'autres, trop alourdis par le leur pour pouvoir le supporter. Certains sujets sur la société, très d'actualité, sont aussi traités avec beaucoup de justesse : l'acceptation de l'autre (avec les réfugiés notamment), la peur de l'autre, la liberté individuelle etc.


J'ai adoré le personnage de Stéphane : on découvre une jeune femme indépendante, solitaire, trop opiniâtre pour se tourner vers les autres, mais surtout trop effrayée d'exposer sa vulnérabilité. On découvre aussi une petite fille qui s'accroche à l'espoir de rejoindre sa famille, qui espère et attend que son père vienne tout arranger, alors même qu'il l'a abandonnée. Sa grande difficulté à faire confiance aux autres sera à la fois sa force et sa faiblesse, la mettant en danger parfois, l'isolant, mais lui servant aussi à se protéger et à protéger ceux qui ont réussi à la gagner. Stéphane est toujours en lutte, en colère, mais elle trouvera en Alex et Yannis des personnes capables de la comprendre. Elle est également toujours prête à agir, à prendre les choses en main, voir à se les salir.


(Attention spoilers) Le personnage d'Alex est aussi un magnifique portrait, sa plongée dans la folie est très touchante à suivre. Il se débat avec sa culpabilité, son désir de bien-faire poussé à l'extrême, l'entraînant toujours plus bas. C'est aussi un personnage en lutte constante avec lui-même et les autres.
L'amitié entre Yannis et Stéphane m'a parue un peu étrange, surtout son attirance envers lui : ces deux personnages me semblent presque à l'opposé, vraiment différents. Son attitude pacifique, voire apaisante, m'a souvent agacée. Mais j'imagine qu'elle permettait l'apaisement de ce feu qui couvait en Stéphane. Alex lui était bien plus semblable, mais il lui fallait peut-être justement quelqu'un de différent. D'ailleurs, son attitude à la fin, au sauvetage de Stéphane, m'a beaucoup plue. J'ai hâte de lire son point de vue sur l'histoire. (Fin spoilers)



Koridwen et Jules m'ont moins emballée : j'ai trouvé la première trop froide et le second un peu trop gentil. Mais je leur laisserais probablement leur chance.


Je remercie Babelio et les éditions Nathan pour la découverte de ce livre, que j'ai trouvé humain, crédible, et qui a su me toucher par ses personnages très vivants.


Yannis de Florence Hinckel

Yannis

Edition : Nathan (2015)
401 pages

RésuméYannis vit à Marseille. Ses parents et sa petite sœur sont morts. Maintenant, il voit leurs fantômes un peu partout - peut-être qu'il devient fou? Quand il sort de chez lui, terrifié, son chien Happy à ses côtés, il découvre une ville prise d'assaut par les rats et les goélands, et par des jeunes prêts à tuer tous ceux qui ne font pas partie de leur bande. Yannis se cache, réussit à échapper aux patrouilles, à manger...

Mais à peine a-t-il retrouvé son meilleur ami que ce dernier se fait tuer sous ses yeux. Il décide alors de fuir Marseille et de s'accrocher à son dernier espoir: un rendez-vous fixé à Paris...

Chronique (attention spoilers)


Je sors de la lecture de Yannis plus mitigée qu'après celle de Stéphane. J'avais des attentes précises concernant ce roman, et elles n'ont pas toutes été comblées. En effet, dans Stéphane, je n'avais pas vraiment accroché avec le personnage de Yannis, qui m'avait semblé trop « serein », trop lisse. Et sur ce point-là, la lecture du tome lui étant consacré m'a surprise, mais ne m'a pas aidée à mieux cerner le personnage. Mon autre attente concernait principalement les « trous » que ce tome pouvait combler par rapport à celui de Stéphane. Par là, je veux non seulement parler des séquences où Stéphane et Yannis sont séparés, mais aussi des pensées de Yannis, sa façon d'appréhender et comprendre les événements vécus ensembles. Et là, je me suis souvent dit que la lecture de Stéphane avait amplement suffit à saisir ces passages. Beaucoup de ce qu'on nous raconte est sous-entendu dans Stéphane (et heureusement : il ne faut pas que ça sorte de nulle part!) mais il m'a manqué parfois un peu de détails.


Pour en revenir au personnage, j'ai eu du mal tout au long du livre à le cerner, et à m'attacher à lui. Il y a pourtant des aspects intéressants. Tout d'abord, sa « double personnalité » Yannis-Adrial est une bonne idée. Mais je trouve qu'on la laisse rapidement de côté, à partir du moment où il commence à en avoir peur (et donc au moment où ça commençait à devenir intéressant). Son rapport à la violence n'est pas vraiment clair non plus, pas toujours cohérent, et m'a franchement agacée. En effet, sa propre violence l'effraie, mais celle des autres le dégoûte carrément, même dans les situations où elle est nécessaire. Je l'ai trouvé souvent dans le jugement, par rapport à Stéphane, qui elle-même se bat face à sa propre violence, alors qu'il aurait pu au contraire la comprendre, puisque lui aussi au début a ressenti son appel. Mais par la suite, Adrial, la violence, disparaissent complètement de son être, selon son point de vue, et il devient très « bien pensant ». Mais en même temps, il a souvent des accès de colère face à Stéphane, mais qu'il cache (ce qui n'est pas vraiment plus sain). Il a des réactions parfois peu cohérentes ; par exemple lorsque Elissa est tenue en joue par Marco, il se plaint (dans sa tête, hein) que Stéphane ne fasse rien, puis lorsqu'elle frappe Marco, il juge sa violence (elle aurait pu ne pas frapper à la tête quand même). Difficile de savoir ce qu'il veut. Il est souvent agacé par Stéphane, qui est, c'est vrai, dure et cynique, mais sans réellement chercher à comprendre sa façon d'agir (ce qui m'a assez déçue de lui, je dois dire). Et j'ai trouvé ses réactions plutôt immatures. Il est très impulsif, et beaucoup plus irréfléchi que ce qui transparaissait à travers le regard de Stéphane.
Autre point qui m'a un peu déçue : les fantômes. Je m'attendais à ce qu'ils aient plus d'importance, à des questionnements, des ressentis plus profonds de la part de Yannis (de la peur, peut-être, l'impression de devenir fou, de la douleur, de l'apaisement : ils sont évoqués, mais prennent peu de place dans l'histoire et l'évolution du personnage). Finalement, ils servent presque d'éléments décoratifs, parfois, et on a pas réellement plus d'information que ce qui est déjà décrit dans Stéphane.
Certains personnages sont moins développés dans ce tome (Marco, qui n'est vraiment pas présenté sous son meilleur jour), mais d'autres beaucoup plus : François, auquel j'ai pu cette fois m'attacher alors qu'il m'avait semblé très transparent dans Stéphane, Koridwen aussi (qui décidément ne m'inspire pas).
Pour l'histoire, elle est très semblable à celle de Stéphane (évidemment), donc ça diminue le suspense. Mais il y a tout de même de nouveaux éléments. La situation à Marseille, le voyage de Yannis à travers la France sont parmi les points les plus intéressants du livre. Néanmoins, il m'a manqué encore une fois… de l'émotion et surtout, que ce que Yannis a vécu dans ces moments-là, qui est particulièrement horrible, ait plus d'impact sur lui et la suite de son aventure. Il y a les fantômes, certes… mais la mort de son meilleur ami, dont il est en partie responsable, est à peine évoquée par la suite. Seul la culpabilité de ne pas avoir enterré ses proches est réellement mis en avant. Pour les parties sans Stéphane, par la suite, j'ai aussi apprécié l'arrivée au R-Point de Lyon, où on fait connaissance avec François. Toute la partie au R-Point, finalement, retranscris assez différemment l'aventure. Le passage chez Elissa apporte aussi de nouveaux éléments et a eu un grand impact sur Yannis. J'ai aussi beaucoup aimé la tentative de sauvetage de François. La partie, forcément, où Yannis et Koridwen se rapprochent m'a moins… emballée.



Je me rends compte que j'ai été un peu dure dans ma critique, car finalement Yannis est un vrai complément à Stéphane, et apporte un autre point de vue intéressant. Au bout du compte, Yannis, tout comme Stéphane et les autres, n'est qu'un gamin qui tente de faire du mieux qu'il peut dans un monde qui s'écroule. La fin, à travers lui, est d'ailleurs très jolie. Le principal problème du livre est qu'il est passé après Stéphane, qui m'a vraiment touché ; que j'avais trouvé dur et beau, avec une héroïne à la fois forte et fragile. Yannis a ses propres défauts, ainsi que ses qualités. Le livre, comme le personnage.


Je remercie Babelio et les Editions Nathan de m'avoir permis de découvrir cette belle aventure qu'est U4. Un beau projet à côté duquel il aurait dommage de passer.


La mer infinie de Rick Yancey


La mer infinie

Edition : Robert Laffon (2014)
401 pages

RésuméCassie Sullivan et ses compagnons ont survécu aux quatre premières vagues destructrices lancées par les Autres. Maintenant que l'espèce humaine a été presque entièrement exterminée et que la 5e Vague déferle sur la planète, le groupe se trouve face à un choix : se préparer à affronter l'hiver en espérant le retour rapide d'Evan Walker, ou se mettre en quête d'éventuels survivants avant que l'ennemi ne referme sur eux son impitoyable piège.
Personne ne peut prédire à quels abîmes de cruauté les Autres sont prêts à s'abaisser, ni à quelles hauteurs l'humanité saura se hisser. La bataille finale ne fait que commencer...
Ils connaissent notre manière de penser.
Ils savent comment nous exterminer.
Ils nous ont enlevé toute raison de vivre.
Ils viennent maintenant nous arracher ce pour quoi nous sommes prêts à mourir.

Chronique


Le premier tome avait été un coup de coeur. Si je ne peux pas en dire autant de celui-ci, il a tout de même largement comblé mes attentes.

Dans ce tome, l'auteur a pris le parti d'axer le point de vue sur plusieurs personnages, et sur deux tout particulièrement : Ringer et Cassie. Cela signifie que Cassie a une place un peu moins centrale. Mais cela ne m'a pas dérangée puisque Ringer est un personnage très intéressant. J'ai lu le premier tome il y a plusieurs mois et je ne me souviens pas vraiment de l'opinion que j'avais de Ringer. En tout cas, dans celui-ci, elle m'a beaucoup plue. Froide, pragmatique, elle va s'ouvrir dans ce tome et nous donner l'aperçu de ce qui se cache sous cette stratégie de défense, cette armure qu'elle arborait déjà avant l'arrivée des aliens, pour avoir la force de tenir un rôle qu'elle n'aurait pas dû. Sa force, qui confine à la rigidité, s'assouplit dans ce tome par quelques pointes d'humour. La fin n'en est que d'autant plus cruelle.

D'autres personnages se dévoilent aussi dans ce tome, notamment Poundcake. Une histoire touchante, pour un personnage muet, discret.

S'il fallait déterminer le point fort de l'auteur, je dirais qu'il a un sens du rythme certain. le découpage des parties, les coupures au niveau de l'alternance des points de vue, sont parfaits. Un suspense insoutenable, une situation particulièrement cruelle, nous attendent à chaque fin de partie. Il a le sens de l'ironie aussi, dans les évènements qui s'enchaînent. Mais ce que j'apprécie avant tout dans cette série, c'est sa brutalité. Et sur ce point, ce tome ne m'a pas déçue, avec une entrée en matière implacable. Je n'ose même pas évoquer la fin. Rick Yancey joue aux montagnes russes avec nos émotions, mettant à mal nos héros. Difficile de deviner qui va mourir, qui va survivre. Et vu son sens du drame, et son habitude de ne pas nous ménager, nous pauvres lecteurs, je m'attends à un final explosif et déchirant.


Un deuxième tome dans la lignée du premier, toujours aussi brutal, qui ne me laisse qu'une hâte : lire le suivant. L'attente va être longue.